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Titre : Mille Avocats du Grand Siècle

Auteur : Laurent Coste

Paru en : 2003

Livre de 248 pages retraçant l'histoire du barreau de Bordeaux de 1589 à 1715

MILLE AVOCATS DU GRAND SIÈCLE
 

Dandin:
«Il faut de part et d’autre
avoir un avocat
Nous n' en avons pas un
»
Léandre:
« Eh bien! il en faut faire
Voila votre portier et votre secrétaire
Vous en ferez, je crois, d'excellents avocats ;
Ils sont fort ignorants

 

Telle est l'image que les études classiques véhiculaient sur les avocats du Grand Siècle dans l'enseignement secondaire. Racine, ayant eu maille apartir avec eux, laissait pour toute trace, l'image d'hommes peu instruits, chicaneurs et avides. d'argent. La recherche historique a balayé ces clichés et mis en lumière l'importance des hommes de loi sous I' Ancien Régime. La belle thèse de Maurice Gresset, Gens de justice àBesançon de la conquête française a1789,en est une parfaite illustration. Dans toute les villes d’Ancien Régime, et plus encore dans celles ou siège un parlement comme Bordeaux, l'homme de loi tient une place de choix, tant dans la société urbaine que dans la sphère des pouvoirs. Mais, au sein des milieux judiciaires, les avocats, àla différence des magistrats de haut rang et des petits auxiliaires comme les huissiers ou les procureurs, ne sont pas des officiers, détenteurs de charges vénales et héréditaires.

 

A l'inverse d'autres villes, les avocats bordelais, du Grand Siècle n'ont guère suscité d'intérêt. Dans la monumentale Histoire de Bordeaux de la Fédération Historique du Sud-ouest, le volume consacreala première modernité, Bordeaux de 1453 à 1715, ne leur accorde qu'un demi paragraphe pour évoquer leur «situation enviable» par rapport aux procureurs. Si Etienne Cleirac est nommément cité, aucun avocat n'apparait dans la présentation des bibliothèques privées de l'époque. Les avocats du 17e siècle ont été victimes de la gloire de leurs prédécesseurs, des esprits distinguent comme Guillaume Leblanc, comme le célèbre poète Pierre de Bach, disciple de Ronsard, ou le procureur syndic de la ville Gabriel de Lurbe, auteur d' un intéressant Burdigalensium Rerum Chronicon. Ceux de la seconde moitié du 18e siècle, qui ont joué un rôle majeur aucours de la Révolution ont suscité un regain d'intérêt depuis quelques années. II faut citer parmi plusieurs memoires de maitrise, celui de Virginie Le Roux, dirigé par Josette Pontet en l'an 2000 sur Les avocats bordelais sous la Révolution. La thèse d'Anne de Mathan, soutenue en 1999 sur Les hommes de la Gironde: acteurs, enjeux et modalités de l'insurrection de 1793 a bien mis en valeur le rôle des Guadet, Gensonné, Vergniaud. Les avocats du 17csiècle auraient-ils démérité, entre les acteurs de l'humanisme bordelais et ceux du fédéralisme girondin ?

II existe pourtant une continuité et si I'on peut considérer Bernard Automne, avocat au parlement de Bordeaux comme un Agenais, ses confrères, Jacques de Fonteneil, Daniel de Priezac ou Etienne Cleirac étaient en leur temps de très grands avocats. Mais, encore en 1999, selon le Professeur Gerard Guyon, «la vie et l'œuvre de l'avocat-jurisconsulte Bernard Automne ne sont pas encore sorties des limbes de I'histoire, pas plus d' ailleurs que celle des autres grands juristes du ressort du parlement de Bordeaux» 4. Les recherches menées depuis une décennie sur la jurade bordelaise ont mis en valeur la place éminente des membres du Barreau au sein de la société urbaine du 17e siecle.

 


Faire revivre les avocats ayant vécu à Bordeaux, à l'exc1usion de leurs collègues qui pouvaient plaider devant la Cour souveraine mais exerçaient la
majeure partie de leurs activités professionnelles dans les diverses sénéchaussées duparlement de Guyenne, repose sur la consultation d'une multitude de sources.

 

 


Archives Nationales, Départementales et Communales ont été visitées. Bien qu'ils'agisse ici d'une première approche d'un milieu fondé presque exc1usivement sur le mérite, très divers et très complexe, et au coeur, nous semble-t-i1, du processus d'ascension sociale sous I' Ancien Régime,

 

 

 

 

il était nécessaire, s'agissant d'une profession juridique, de ne pas négliger le métier d'avocat au profit du milieu social. La consultation répétée des arrêtistes bordelais et toulousains, des ouvrages juridiques de l'époque permet de reconstituer le statut professionne1, les méthodes de travail et l'art oratoire des membres les plus illustres du barreau.


Notre propos vise d'abord à resituer la place des avocats dans la ville de Bordeaux, dans la société certes mais aussi dans l' espace, de faire renaitre leur cadre de vie citadin et rural, tout en rentrant dans l'intimité de leur vie familiale. L'avocat, homme de loi, est un homme instruit, n' en déplaise àRacine, et après des études secondaires dans les collèges bordelais, il a fréquenté les bancs de l'Université. Ladisparition de la quasi totalité des archives anciennes de la Faculté de Droit de Bordeaux empêchera àtout jamais les comparaisons avec Toulouse, Poitiers ou Paris mais une collecte patiente d'informations éparses met davantage en lumière cette vénérable institution. Le livre est un instrument de travail irremplaçable pourl'avocat et nous regrettons que l'éminent spécialiste des Bibliothèques bordelaises, Louis Desgraves, qui nous avait donné de précieux conseils, ne puisse voir aboutir ici des recherches qu'il avait encouragées. Quelques belles bibliothèques bordelaises du 17e siècle étaient connues comme celles de parlementaires illustres mais celles des milieux sociaux intermédiaires dorment encore dans des fonds notariaux sous exploités. Enfin l'activité professionnelle des avocats a pu être analysée même si lestraces de l’ éloquence du barreau bordelais font souvent défaut. Grace aux recueils d'arrêts il est possible de brosser le portrait des avocats plaidants tandis que lessentences arbitrales, mines d'informations pour les juristes, font resurgir la nombreuse clientèle des avocats consultants.


Mariages, testaments, inventaires après décès, procurations, actes de ventes au d'achats, sentences, arrêts font émerger de I’ombre un millier d'individus qui ont exercé ou simplement porte le titre prestigieux d'avocat sous le règne des troispremiers Bourbons entre 1589 et 1715. Si la plupart sont restés un simple nom, d'autres nous ont fait pénétrer dans leur intimité familiale, domestique ou professionnelle. Dans la société d’Ancien Régime, jugée trop souvent rigide, l'ascension sociale est toujours possible, plus ou moins rapide selon les époques, leslieux et les milieux sociaux.
« Estat » original s'il en est, associant élite du tiers état et membres de la noblesse, I' ordre des avocats, que I' on intègre par le mérite et leserment, offre des perspectives d'ascension sociale aux fils doués de la bourgeoisie, tout en restant gratifiant pour certains rejetons nobles qui ne peuvent tous accéderaux prestigieuses charges de la magistrature ou servir le pays dans les armées royales.

 

 

Prix: 15 €
Port: 6 €
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